À la recherche du soleil

C’est sous les nuages, mais plein de motivation que nous repartons. Malheureusement pour nous, la pluie est toujours présente et semble nous suivre. Il nous faudra deux jours depuis Denali National Park pour atteindre Fairbanks, la deuxième plus grande ville de l’Alaska après Anchorage. Nous ne nous tardons pas, nous souhaitons retrouver au plus vite le soleil. Cependant, Fairbanks marque une grande transition. En effet, nous dévions de cap : à partir de maintenant, chaque kilomètre parcouru le sera vers le sud. Fairbanks sera donc le point le plus au nord que nous atteindrons pendant ce voyage. Tout un symbole. Pour marquer le coup, nous effectuons un petit détour pour récupérer notre « Certificat du Cercle Polaire Arctique » et continuons en direction du Canada.  9 Aout 2019. Nous roulons depuis déjà 3 heures, essuyant averse après averse. Nous dépassons une voiture arrêtée sur le bas-côté. Nous pensons au début qu’ils ont un pneu crevé ou une panne en tout genre, mais non. Un père et ses deux fils s’agitent, à côté d’un orignal (un élan) mort. Il gît sur la chaussée dans une mare de sang. Le père nous explique que quelqu’un a dû le renverser dans la matinée, lui a tranché la gorge et est parti. Le corps de l’animal est encore chaud, ça vient d’arriver. En Alaska rien ne se perd, toute denrée alimentaire est précieuse. Nous assistons à une scène assez surréaliste, le plus jeune des enfants tient les pattes de l’orignal en l’air, pendant que son père le vide de ses entrailles. Au moment de repartir, le père nous tend un bout de steak en cadeau, plus frais que ça, impossible. Ce soir, ce sera donc steak d’orignal pour le souper. 
Il nous faudra encore patienter deux jours avant que la pluie ne cesse enfin. Petit à petit, le voile blanc disparait, nous laissant apercevoir l’Alaska que nous étions venus chercher. Les premiers rayons de soleil nous éblouissent, nous réjouissent. Nous retrouvons par la même occasion la chaleur, quel bonheur. Notre vie de nomade est désormais tellement liée à la météo. Nous en profitons pour réduire un peu la cadence. De nouveau nous traversons des grandes zones de rien, mais cette fois nous pouvons enfin en profiter. Grosses pauses lunch et bivouacs prestiges. Nous faisons même un arrêt dans un petit camping avec douche chaude, en compagnie de Sven & Carina et de Linden, Jake & Mabel (3 boondogglers), d’autres voyageurs à vélo rencontrés sur la route. Très belle soirée. Nous reprenons la route, et même si ce n’est que pour quelques jours, nous passons notre première frontière : la province du Yukon au Canada.
13 Août 2019. Coup dur, on se réveille sous des trombes d’eau. La pluie nous a de nouveau rattrapés Avec autorisation du gérant, nous avons dormi derrière un petit motel. Très accueillant, il nous invite à prendre un café au chaud et même à profiter d’une douche chaude avant qu’une des chambres ne soit nettoyée. Nous vérifions la météo et les nouvelles ne sont pas bonnes. Nous allons avancer en même temps que la pluie. Encore une fois, 4 jours de pluie sans rien pour s’abriter sur la route. Nous sommes un peu perdus, et démoralisés. Que faire … Rouler sous la pluie ENCORE, attendre quelques jours ici ou faire du stop, avancer de 350km pour devancer ce nuage de pluie? Décision prise, nous ferons du stop. Contre toute attente, nous attendrons à peine 30 minutes sur le bord de la route. C’est Bryan et son chien Burton qui nous acceptent à bord de leur camping-car. Les paysages défilent à toute allure. C’est assez déstabilisant, nous avons tous les deux la sensation de sauter une étape. Ces kilomètres on aurait voulu les parcourir à vélo. Mais l’ambiance dans le camping-car est à la fête et on passe un très bon moment tous ensemble. C’est à Haines Junction, autour d’une bière que nous célébrons le soleil.  
Nous entamons la section la plus vallonnée de notre trajet jusqu’à maintenant. 250km de montagne à traverser pour rejoindre Haines, au bord de la mer. 140km de ups & downs et 2000m de dénivelé positif nous attendent. Les mollets chauffent, petit plateau, petite vitesse. Cependant les dénivelés ne sont pas trop importants, nous avançons à bon rythme. Autour de nous, montagnes, glaciers, lacs ou rivières. On en prend plein la vue. Et derrière chaque bute, un nouveau paysage se dessine.
Après une belle nuit au bord d’une rivière, nous attaquons la dernière partie de l’ascension pour atteindre le point culminant à 1170m (eh oui, c’est pas les alpes :D). Nous l’atteignons pour la pause lunch, vue magnifique sur les glaciers. Et qui dit montée, dit descente. Et pas des moindres : 110km de descente et de plat pour rejoindre l’océan. Gros gros plaisir.
Nous arrivons à Haines le 17 août. Notre objectif premier était d’essayer de faire du bateau-stop vers Juneau mais malgré nos demandes répétées au port, ainsi qu’un message diffusé à la radio locale, nous ne sommes pas du tout dans la bonne saison pour cette destination. On se résout donc à prendre le ferry pour rejoindre Juneau.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Anchorage, plus grande ville de l’état n’est pas la capitale. C’est bel et bien Juneau qui porte le titre, petite ville de 32 500 habitants, accessible uniquement par bateau ou par avion. Nous passons 3 jours ici hébergés comme des princes par Karla dans notre propre appartement, qu’elle laisse à disposition des cyclistes de passage. Nous profitons de nos derniers instants en Alaska avec une dernière rando, jusqu’au Glacier de Mendenhall. C’est à la fois tellement beau et tellement déprimant. Nous réalisons l’impact du réchauffement climatique sur la nature. Tout le long du chemin, des kernes indiquent l’étendue du glacier selon les années. Sans surprise, plus on se rapproche, plus la diminution « par année » s’agrandi. On marche quelques pas sur ce bout de glacier, conscients que dans quelques années, il aura sûrement disparu. Nous avons beaucoup évoqué la question avec les gens rencontrés ici. Tous nous disent la même chose, l’Alaska se meurt. Les glaciers reculent, chaque année le nombre de saumon qui remonte les rivières diminue. Ils meurent suite à des problèmes cardiaques avant d’atteindre leur destination car l’eau des rivières est maintenant trop chaude. Bientôt il sera impossible de pécher pour se nourrir. Triste constat. C’est la première fois que nous côtoyons des gens directement impactés par les changements climatiques. Fin de la balade. Après une dernière pizza avec Karla autour de tous ces sujets qui nous tiennent à cœur, nous quittons Juneau, de nouveau en ferry.
Cette fois nous embarquons pour 36 heures de navigation en direction de Prince Rupert au Canada. Une nouvelle grosse étape nous y attend : la traversée des rocheuses…. On a déjà hâte.    
   

ANECDOTES

 
  • Nouvelle journée record : 118km.
  • Premier bivouac insolite, au chaud dans une église.
  • Dans la catégorie bourge: on s’est fait doubler par un camping-car qui tractait …. un hélicoptère.
  • Nous avons croisé nos premiers ours, une maman ours et son petit ainsi qu’un grizzli de loin, une énorme masse qu’on a au début confondu avec une vache 😮